PREVENTION

Le mensonge de l'été : « Je suis actif, donc je ne risque rien »

Têtu n° 69, juillet-août 2002, p. 82.

Cette contre-vérité, on l'entend de plus en plus souvent dans les plans cul. Le plus inquiétant, c'est qu'elle est relayée par une campagne de prévention dite « de réduction des risques » initiée par Aides Provence. Thierry Ruiz, qui l'a élaborée, s'en explique.

(Exergue : Pour Thierry Ruiz, le but est de partir de ce qu’il appelle à tord la réalité.)


Réamorcer le dialogue avec ceux qui n'utilisent pas ou plus la capote sans pour autant inciter les autres à renoncer à se protoger : tel est l'objectif, pour le moins périlleux, de huit flyers dits de « réduction des risques », élaborés par Aides Provence et actuellement testés dans un sauna marseillais. Au recto, un slogan (par exemple : « Sans capote, il est encore plus risqué de se faire baiser » ou « Tu baises sans capote ? Mets au moins du gel ! »). Au verso, le texte développe le slogan, invite au dépistage et rappelle que le préservatif, utilisé avec un gel à base d'eau, reste le meilleur moyen de se protoger. Il est légitime de se demander si ce type de messages ne risque pas d'induire de faux raisonnements, du type : « Je suis actif, donc je ne risque rien. » Pour Thierry Ruiz, coordinateur régional du programme de réduction des risques sexuels entre hommes à Aides, le but est de partir de ce qu'il appelle, à tord, « la réalité » : « Beaucoup de mecs baisent sans capote, en sachant [sic] que le risque est moindre pour l'actif que pour le passif. Nous leur disons, sans les prendre pour des imbéciles, en l'écrivant noir sur blanc : “C'est vrai [re-sic], mais, si c'est vous l'enculeur, le risque existe quand même.” Le but, en abordant le détail des modes de transmission du sida et les pratiques réelles des gays, est de les faire monter d'un cran dans leur prévention. » On est en plein délire ! Autre objection : cette communication est-elle adaptée aux jeunes ? Thierry Ruiz le pense, « dans la mesure où la réduction des risques ne se substitue pas aux messages habituels de prévention, mais est complémentaire ». Pour vérifier que cette campagne n'incite pas à moins se protéger, une opération a été menée récemment dans un sauna marseillais : pendant neuf semaines, on a comptabilisé les capotes distribuées à l'entrée et celles, usagées, trouvées dans l'établissement. Les cinq premières semaines, les flyers de prévention n'ont pas été distribués; les quatre suivantes, ils ont été placés à côté des dépliants de prévention habituels. Les résultats semblent montrer qu'il n'y a pas de baisse d'utilisation du préservatif. Un nouveau test, avec questionnaire, sera bientôt réalisé auprès des clients. « D'ores et déjà, ces flyers peuvent être utilisés par les volontaires d'Aides qui rencontrent des personnes qui baisent sans capote. Pour la suite, si les résultats de nos tests sont probants, nous pourrons envisager une diffusion plus massive, dans les lieux commerciaux ou par voie de presse », conclut Thierry Ruiz, conscient que le débat houleux suscité par ce type d'action est loin d'être clos...

Frédéric Praï


ENCADRÉ

Les fausses idées sur la prévention
Les campagnes de prévention on faveur de la capote, qui n'ont jamais été à la hauteur, sont actuellement menacées par la popularisation du discours aur l'« échelle des risques » ou la « réduction des risques ». Ce discours, qui s'adresse à ceux qui baisent sans préservatif en leur expliquant comment limiter les risques de se faire contaminer, véhicule des idées rétrogrades sur la sexualité (« mieux vaut être actif que passif »). L'idée de faire des campagnes de prévention sur ce thème a déjà gagné une grande association de lutte contre le sida (lire article ci-contre). Il y a fort à craindre que ces conceptions de la prévention se propagent davantage. Voici quelques exemples de théories fumeuses, et des arguments pour les contrer.

« Quand on baise sans capote, mieux vaut être l’enculeur que l’enculé »
En établissant que les actifs et les passifs ne sont pas égaux devant la contamination par le virus du sida, cet énoncé ne tient pas compte de la réalité d'un rapport sexuel. Ce qui augmente le risque de contamination, c'est une mauvaise hygiène corporelle, des lésions sur la verge ou la muqueuse anale des partenaires, ainsi que la violence du rapport, et non pas le fait d'être actif ou passif. Conseil : ne laissez pas des campagnes de prévention fallacieuses décider pour vous de vos pratiques. Que vous soyez actif ou passif, utilisez pour toute pénétration anale une capote et du gel à base d'eau.

« Quand on suce sans capote, il ne faut pas avaler le sperme »
Encore une fois, cet énoncé élude une partie de la réalité : le VIH est aussi présent dans le liquide préséminal, c'est-à-dire dans les quelques gouttes qui précèdent l'èjaculation. L'énoncé sous-entend également que celui qui se fait sucer ne craint rien, ce qui est faux. Conseil : pour la fellation, que vous soyez « donneur » ou « récepteur », utilisez un prèservatif.

« Sans capote, mieux vaut utiliser du gel à base d’eau »
Le gel permet certes d'èviter les frottements et, par conséquent, des lésions de la muqueuse anale, mais il n'est absolument pas un rempart contre le VIH. Conseil : pour toute pénétration, utilisez toujours du gel à base d'eau et des prèservatifs à la norme NF.

Xavier Héraud

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