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Il ny a aucun doute : Sainte Rita est bien avant tout une patronne du plus grand nombre, donc des hétéros, et il ny a pas de doute non plus que, du point de vue des Surs, lhétérosexualité est une cause désespérée !
Cependant, on peut aller plus loin dans la découverte des vertus de Rita Lotti épouse Mancini, fille dAmata et dAntonio, agriculteurs à Rocca-Porena, en Ombrie (1381).
Selon la symbolique mise en scène dans sa légende (sans doute fort arangée, mais cest bien la légende et non la réalité qui nous intéresse pour ce quelle enseigne), elle personnifie aussi la stigmatisation et la discrimination, bien qu'elle ait été tout à fait « normative » (épouse et mère de deux jumeaux
) avant de devenir nonne : mariée de force à Paul Mancini, elle est victime de violences de la part de son mari, gros buveur ; son mari meurt, puis ses deux fils ; elle souhaite alors entrer au couvent des surs de Sainte-Marie-Madeleine, à Cascia, mais la mère supérieure la rejette par trois fois car elle est « impure » (entendez : non-vierge, elle a connu le loup
).
Toujours selon la légence, ce sont Saint Jean, Saint Augustin et Saint Nicolas qui lui permettent, une nuit, de franchir les murailles du couvent et dy rester (soit trois hommes pour une femme
aurait-elle « vendu » ses charmes ?). Elle se retrouve donc novice à quarante ans
et mise à l'écart par ses surs, qui la chargent des tâches les plus ingrates et absurdes, comme darroser un sarment mort, qui, à la surprise générale, se remet à verdir un beau matin
Rita finit par être élevée sur.
Le vendredi saint de 1443, elle a alors soixante deux ans, une épine du crucifix de la chapelle se plante dans son front. Ce « stigmate » purulent et malodorant provoque sa mise à lécart (cest dailleurs le sens premier du mot stigmate : les marques de la passion
).
Les « miracles » qu'on attribue par la suite à Rita sont en faveur des habitants les plus pauvres et déshérités de Cascia. À soixante-seize ans, Rita reste alitée et au moment de sa mort (1457) deux événements merveilleux se produisent : un rosier refleurit en plein hiver et sa blessure se transforme en perle répandant un parfum de rose.
Rita est enterrée, puis dix ans plus tard, sous la pression populaire, son corps (intact
) est exposé dans un cercueil de verre dans une église de Cascia. Elle est béatifiée en 1657 (par Urbain VIII) et canonisée en 1900 (par Léon XIII). On peut toujours voir son sarcophage aujourd'hui à Cascia
Que retirer de cette légende ? Le thème de la stigmatisation, du rejet et de la discrimination sont omniprésents, mais ces obstacles sont toujours surmontés. Cest sans doute le sens de lexpression « causes désespérées », qui se teinte dune forme de conscience sociale, puisque Rita vient du peuple et quelle en reste proche par ses miracles. Plus intéressant encore, les « stigmates » sinversent systématiquement : le rejet de la mère supérieure cède à lintervention des saints, le bois mort reverdit, la blessure purulente et malodorante se métamorphose en perle embaumant la rose
Pour ce qui nous concerne, cela peut évoquer la discrimination homophobe : linjure pédé ! devient une fierté
Sainte Rita personnifie une forme daffirmation personnelle et obstinée face à la discrimination et à la norme. Elle crée un lien entre le pur et « limpur » (ce qui nest sans doute pas étranger au fait que les prostituées la reconnaissent comme patronne). Tout cela en fait un personnage queer plutôt quhétéro, une sorte de « radicale » populaire avant lheure.
Il reste de cette légende une véritable passion populaire (en Amérique latine par exemple) pour Sainte Rita, dont léglise catholique a tardivement récupéré laura (mais récupéré quand même). À loccasion, allez donc faire un tour à la chapelle Sainte Rita, près du métro Blanche ; cest très instructif !
Sur Rita du Calvaire
De-Marie-Madeleine-Car-Elle-Aussi-A-Beaucoup-Souffert
Primate des Gaules
ArchiMère Générale des Couvents de France
5 octobre 2001
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